Les collégiens de 6ème et leur professeure-documentaliste ont inspiré les cinq épisodes de l’arrivée de Sylvanus à Burdigala, qui serviront de trame de fond à leur découverte des traces de la ville antique au mois de mai 2016.
Dernière semaine d’avril : séance prévue en salle informatique au CDI.
Fiches Sylvanus à Burdigala remises aux collégiens
Circuit dans la ville avec OSM.
SYLVANUS AU LARGE DE BURDIGALA
Burdigala est en vue ! Enfin, le plancher des vaches… après toutes ces heures de navigation depuis Aginum ; certes les dernières haltes à terre dans les villas des propriétaires de vignobles en bord de Garumna étaient bien agréables, mais il lui tarde de débarquer. Sylvanus a tellement entendu parler du célèbre emporium et de ses marchandises venant de tout l’Empire et même de chez les barbares !
L’attente passe à compter les tours du rempart, à deviner celles qui sont cachées, puis à chercher la porte Navigere par laquelle ils vont pénétrer dans le port ; tiens, voilà la statue d’Hercule qui accueille les navigateurs et veille sur la ville.
Au loin, à l’écart du castrum, voici les célèbres Piliers de Tutèla, où ont lieu toutes les transactions commerciales et politiques. Il aperçoit également, encore plus loin, l’amphithéâtre où se déroulent régulièrement les jeux du cirque offerts aux Bituriges Vivisques et aux Boiates pour les fêtes impériales ou sénatoriales.
Mais au fait, pourquoi attendre ? Quand Sylvanus a posé cette question, le pilote lui a répondu qu’il fallait jeter l’ancre et « attendre la marée ». Sylvanus remarque que les barques échouées à terre quand ils sont arrivés se retrouvent maintenant à flot et sont régulièrement « remontées » vers le rempart par les marins.
Il sent aussi que son bateau « tire » sur l’ancre, entrainé par le flux en provenance de la mer, prêt à repartir vers l’amont. La voilà donc, cette marée montante qui vous aspire ! Sylvanus s’accroche instinctivement au bastingage puis le relâche en croisant le regard goguenard du pilote. Un soldat romain, ça n’a peur de rien. Romanus miles nihil timet ! L’eau change de couleur et frissonne ; bien campé sur le pont, le nez au vent, il a même l’impression que les embruns salés lui apportent des nouvelles de la mer aquitanique.
SUR LES QUAIS DU PORT ANTIQUE DE LA DEVÈZE
Enfin à quai ! Sylvanus tangue en mettant pied à terre. Prudemment, il s’écarte du bord de la Devèze et de ses platelages en bois. Il essaie d’éviter les bousculades : on dirait une véritable foire en plein air. Marins et débardeurs s’agitent, la pleine mer ne va pas durer longtemps, il faut se hâter. Tempus fugit.
Les uns déchargent des amphores d’huile et de vin de Campanie et les transportent jusqu’aux entrepôts, d’autres embarquent la précieuse colophane landaise dans des tonneaux gaulois. Burdigala mérite bien sa réputation d’emporium international.
Sylvanus est attiré par un attroupement provoqué par les rugissements des bêtes fauves transportées de Numidie pour les prochains jeux du cirque. Les cages ont été déposées en attendant leur transfert au Palais Gallien. Lions et tigres bondissent contre les barreaux, affolés par les bruits, les odeurs et la proximité des humains.
Au milieu de la Devèze, poussant sur sa longue gaffe en bois, un jeune passeur fait avancer sa barque à fond plat transportant le sel collecté sur le littoral médocain et boïen. Il salue Sylvanus d’un signe du bras sarcastique, Ave, barbarus ! Porté par le courant descendant, il se dirige vers la Porte Navigeyre jusqu’à l’imposante statue d’Hercule, tout en essayant d’éviter les bois flottés que les bucherons jettent à l’eau ; ils encombrent déjà presque toute la surface du ruisseau mais seront vite récupérés à la gaffe puis remontés à bord des navires à l’ancre, dès qu’ils sortiront du port et atteindront le large.
Sylvanus remarque un entrepôt à étage, plus important que les autres, construit en briques et en pierre. Des esclaves rangent avec précaution sur les étagères en bois les épices et surtout les minerais et pierres précieuses qui vont être revendus à prix d’or aux orfèvres locaux. Le contremaitre fait l’inventaire au fur et à mesure et note les quantités sur des tablettes en argile.
Sylvanus emprunte une passerelle et passe sur la rive gauche pour aller chercher de quoi manger.
SYLVANUS ENTRE CARDO ET DECUMANUS
Toujours pas de taverne pour se restaurer et gouter aux spécialités de charcuteries gauloises !
La remontée à pied depuis la Garumna en direction du soleil couchant, le long du decumanus maximus, est décevante : Sylvanus s’attendait à une belle rue bordée de demeures princières avec pavements de mosaïques géométriques, peintures murales finement colorées, thermes privés et patios ombragés. Les ilots d’habitation sont petits et populaires, bordés d’échoppes : commerçants et artisans se sont regroupés par activité. Deux caniveaux servant d’égout à ciel ouvert charrient de part et d’autre des ruelles les ordures nauséabondes. Les aristocrates ont dû changer de quartier.
Il se décide à acheter un pain frotté à l’ail avec un morceau de fromage de brebis pour calmer ses crampes d’estomac et s’assoit sur un banc en pierre, dos au soleil, pour le manger. Bene sapiat !
Puis il se remet en route, ça monte encore : à l’approche du cardo maximus, l’atmosphère n’est plus la même, les hommes d’affaires et les citoyens deviennent plus nombreux, l’air est moins pollué. Il se retourne pour regarder une fois de plus le fleuve et ses remous et tenter de retrouver son navire, en vain.
À l’angle du cardo et du decumanus, le carrefour a été dégagé pour laisser travailler un agrimensor et son assistant, qui porte la groma et les fils à plomb. Des esclaves maintiennent à la verticale plusieurs jalons d’arpentage qui ont été plantés dans les quatre directions solaires. Que se passe-t-il ? Sylvanus tente de comprendre mais ne voit aucune rue à rajouter au plan quadrillé en damier des insulae. Il s’approche et écoute les directives en latin : l’agrimensor est occupé à viser le tracé de futures centuries, à l’extérieur de la ville fermée par ses remparts. Les soldats romains qui vont prendre leur « retraite » vont recevoir un terrain à cultiver, à la campagne. Ils vont sûrement y planter des vignes.
SYLVANUS AU PIED DU FORUM
Sylvanus est surpris par le va-et-vient de brouettes charriant des blocs de pierre en calcaire bien taillés qui ont été déposés sur la rive et doivent provenir d’une carrière de la rive droite. Il suit le convoi, en direction de l’étoile polaire, tout en haut de la colline qui domine Burdigala. Les maçons déposent leur chargement au pied d’un mur de soutènement qu’ils consolident. C’est le stylobate du célèbre forum !
De nombreux dignitaires en toge descendent le perron des vingt-et-une marches en discutant, probablement après une réunion politique.
Sylvanus est silencieux et tétanisé, face au monument gigantesque à ciel ouvert dont il avait aperçu les blanches colonnades régulières depuis son navire, ce matin. Il sent pousser en lui une bouffée d’orgueil à la pensée qu’il fait partie de l’empire romain et qu’ici, comme en Italie ou en Hispanie, le culte impérial a donné naissance à de telles prouesses. Magna et mirabilia urbis sunt opera tua ! Aucun nom d’architecte n’est inscrit dans le marbre, encore un artiste méconnu. Et pourtant, Sylvanus se sent inspiré par ce métier.
Il n’ose gravir les marches et décide de faire le tour en comptant ses pas (gradus) : trois pas entre les colonnes corinthiennes, savamment disposées. Il s’arrête pour admirer les feuilles d’acanthe des chapiteaux et l’architrave bien disposée par-dessus. Sylvanus se souvient des croquis de Vitruve que son magister lui a fait recopier sur ses tablettes en argile. Il prend du recul pour détailler les statues des cariatides qui se succèdent, la tête sous les impostes des arcades. Il en compte vingt-quatre. Mais il y en a aussi à l’intérieur.
Attiré par les effluves marines qui montent de la Garumna, Sylvanus tourne le dos un instant au monument et cherche encore une fois du regard son navire. Il finit par le retrouver : la proue s’est déplacée et se retrouve face à l’amont de la rivière, encore une facétie du courant…
AU PIED DU CASTRUM
Tout le long du fossé protecteur qui, depuis la vague des dernières invasions, isole la ville fermée, l’imposante muraille du castrum dresse son alignement régulier jusqu’à la rive de la Garumna.
Sylvanus décide de longer le fossé en direction du soleil couchant, pour aller jusqu’à la célèbre fontaine de la Divone que chante le poète Ausone avec lyrisme :
Dirai-je ta fontaine et ses eaux bienfaisantes,
De leur prison de marbre à grand bruit jaillissant,
Qui par douze canaux fuyant de leur bassin
Vont porter la fraicheur et la vie… ?
Parmi les blocs de fondation du rempart il découvre de nombreuses stèles funéraires qui ont été réemployées. Il essaie de déchiffrer les inscriptions : CIVIS BOIAS pour un citoyen du pagus où se récolte la poix des pins, AMABILIS qui tient en main ses outils de sculpteur, DOMITIA et sa couronne de cheveux tressés. Vanitas vanitatum ! tous ces personnages qui ont eu leur tombe dans la nécropole au sortir de la ville et qui se retrouvent emmêlés les uns aux autres, dans tous les sens, sans aucun respect.
Sylvanus, pensif, continue d’avancer, tête baissée, en serrant son scarabée fétiche qui le protège des pensées morbides.
— Ave, miles ! Ut vales ? Quo vadis ? Sylvanus sursaute en entendant un soldat qui l’interpelle en latin depuis le rempart. Quel plaisir d’entendre parler sa langue, avec l’accent romain, dans cette ville où il se sent étranger ! Quelle joie de rencontrer un compatriote sur une des tours majestueuses qu’il a essayé de compter ce matin depuis le pont de son navire !
Tiberius Iulius Balbilus a 35 ans ; c’est sa vingtième et dernière année de miles. Il lui tarde d’aller s’occuper des plants de vigne biturica, qu’il a l’intention de faire fructifier sur les buttes de graves, à l’abri des inondations. « Si tu veux rentrer dans la ville, il faut continuer le tour du rempart jusqu’au temple de Jupiter, à la Porta Iovis.
— Gratias maximas ! Salve, Tiberius !
Version courte
Burdigala est en vue ! Enfin, … après toutes ces journées de navigation sur le fleuve, depuis le port de Tolosa ; il lui tarde de débarquer. Sylvanus a tellement entendu parler du célèbre marché international de Burdigala et de marchandises en provenance de tout l’Empire romain.
Son navire met l’ancre au large de la ville et les passagers attendent l’arrivée des barques qui vont faire la navette avec le port intérieur, caché derrière les remparts.
Sylvanus compte les tours du rempart, et cherche la porte par laquelle ils vont pénétrer dans le port ; ah, voilà l’entrée, une rivière se jette dans le fleuve et une statue monumentale d’Hercule accueille marins et visiteurs.
Enfin à quai ! Sylvanus tangue en mettant pied à terre.
Prudemment, il s’écarte du bord de la rivière, la Devèze, le long de laquelle le port intérieur a été aménagé, à l’abri des tempêtes et des pillards ; certains quais sont en pierre mais la plupart sont en bois. Il essaie d’éviter les bousculades : on dirait une véritable foire en plein air.
Des cargaisons entières de fragiles amphores d’huile et de vins italiens sont prudemment transportées jusqu’aux magasins.
Sylvanus remarque un hangar à étage, construit en briques et en pierre. Des esclaves rangent avec précaution les épices et les pierres précieuses. Un contremaître fait l’inventaire au fur et à mesure et note les quantités sur des tablettes en argile.
Sylvanus est déçu. Il espérait découvrir de belles rues à la romaine, bordées de demeures princières décorées de mosaïques géométriques. Mais le quartier du port est populaire : des commerçants et artisans hèlent les passants pour vendre leur marchandise ou leurs services. Les caniveaux servent d’égouts à ciel ouvert.
Il achète un pain frotté à l’ail avec un morceau de fromage de brebis pour calmer ses crampes d’estomac et s’assoit sur un banc en pierre, dos au soleil, face au fleuve, pour le manger.
Puis Sylvanus se remet en route, ça monte encore, jusqu’à un carrefour très animé. Il s’arrête pour se repérer : derrière lui, le fleuve et le port, en face de lui le soleil couchant ; il demande le chemin du forum en latin à un passant et tourne à angle droit pour remonter une longue rue qui traverse toute la cité de Burdigala. Il aperçoit, de l’autre côté du fossé qui isole la cité, un monument impressionnant.
Voilà donc le forum : de nombreux personnages vêtus d’une toge descendent les vingt-et-une marches en discutant ; ils sortent probablement d’une réunion politique.
Sylvanus n’ose monter, il admire ce monument, aussi majestueux qu’un temple avec ses blanches colonnades. Sa passion pour les pierres et les plans se réveille ; quand il sera grand, il sera architecte.
Il fait le tour du bâtiment : chaque colonne est surmontée d’une statue. Il en aperçoit également à l’intérieur. Sont-elles en marbre ?
Mais l’heure tourne et le soleil descend à l’horizon ; Sylvanus a rendez-vous à la porte de Jupiter, de l’autre côté de la cité. Il se hâte de longer le fossé pour trouver cette entrée de la ville.
Parmi les énormes blocs de fondation du rempart du castrum, il aperçoit des pierres gravées en latin. Il réussit à déchiffrer des inscriptions qui parlent d’une source sacrée, de la fondation de la cité, de citoyens enterrés dans des nécropoles…
— Ave, miles ! Ut vales ? Quo vadis ?
C’est un soldat romain, de garde au pied d’une des tours du rempart, qui l’interpelle et la conversation s’engage entre Sylvanus et Tiberius : c’est sa dernière année dans l’armée romaine et il attend impatiemment de pouvoir s’installer sur le terrain qui lui a été attribué sur les coteaux pour y cultiver la vigne et produire du vin de graves.
Il confirme à Sylvanus que la Porta Jovis, la porte de Jupiter, se trouve tout près de là.
— Gratias maximas ! Salve, Tiberius !